on s'engage pour et face aux autres, jamais seul
on s'engage pour et face aux autres, jamais seul

engage -moi

L’engagement, ce contrat de mariage entre la marque et le client

Oui, je le veux ! Si le sage adage nous rappelle que les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent, il n’en reste pas moins que ces quatre mots,  prononcés parfois dans un souffle -à peine audible- nous mobilisent autant qu’ils nous embarquent. Un engagement pris oralement après une conversation démarrée plus tôt dans l’intimité de Facebook, en catimini donc, pour mieux se poursuivre officiellement, en validant un panier d’achat. Un oui signature en somme…

dans le Marbre

Un mariage donc, dont les fiançailles avaient déjà posé les premiers jalons d’un contrat. Parce que oui, le mot est lâché : il s’agit bel et bien d’un contrat – relationnel – qui grave dans le marbre comme dans les esprits une identité nouvelle. 

On est alors lié. Mais qui est ce “on” ? Qui épouse cette nouvelle identité en co-construction ? Car nous sommes là témoins d’un engagement réciproque, de ceux qui unissent souvent irrémédiablement deux parties : après tout, ne dit-on pas “pour le meilleur et pour le pire” ? 

Et si, évidemment, les amoureux transis se marient, la communauté des internautes et autres joyeux twittos célèbrent également, en grande pompe,  les noces des consommateurs et de leur marque fétiche. Consommateurs avertis mais dans le besoin et qui veulent trouver dans la marque les promesses d’une quête enfin assouvie et pleinement réussie !

Une marque, tantôt crush nouvellement découvert, tantôt valeur sûre et refuge. Une marque pour laquelle tous les espoirs sont permis, qui dessine les contours d’une relation aussi engageante que trépidante ou qui brille par la solidité qu’elle inspire. Car c’est ce qu’opère le contrat relationnel : concrétiser une union faite de (bonnes) surprises et de fidélité sans cesse renouvelée. 

Mais c’est exactement là que le bât blesse : prendre le crush pour une adoration, transformer le client ponctuel, nécessairement volage, en usager épris, fidèle et dévoué, prêt même à recommander LA marque qu’il considère alors comme celle de son cœur. Et quand cet usager s’entiche vraiment de la marque, oublier un peu vite que  le cœur a ses raisons… Que ce même usager peut aller jusqu’à devenir celui qui va l’user le lien, jusqu’à la corde peut-être, balloté entre un farouche besoin d’indépendance et d’affirmation de soi et un ardent désir d’attachement. 

Tout authentique qu’il est, l’attachement envers une marque est toujours un engagement conditionnel et conditionné. Après tout, n’engage-t-on pas conversation comme on engage un combat ? On entre dans l’arène du dialogue comme le gladiateur face à son adversaire, pour en découdre, montrer sa valeur, assumer son ethos, non ?

Mise en gage(s)

Tantôt parole donnée, tantôt serment prêté, l’engagement dit donc aussi bien la « mise en gage(s) », du contenu de son panier comme de ses données personnelles. Outre cette dot éminemment sonnante et trébuchante, ce substantif souligne également la nécessité de la relation à l’autre, de l’interaction devenue presque marchandage… Parce que oui, on s’engage pour et face aux autres, jamais seul mais en réaction aux propos d’autrui, ce prochain plus alter qu’ego finalement. Aïe, la fidélité est mise en péril…  L’engagement se délite-t-il fatalement, abîmé par son intrinsèque dimension pécuniaire ?

Alors comment retrouver ce lien à l’autre si ce n’est dans le dialogue ? Ce dernier revient sur le devant de la scène, comme pour mieux ancrer, à défaut de les encrer, ses propos. Il en est de même, d’ailleurs, dans l’échange instauré avec la marque devenue sienne. Déclarations, avis, prises de position et même questionnements (la fameuse FAQ) acquièrent ainsi une existence dans l’épaisseur de la proclamation du meilleur mais aussi du pire… on les retrouve ! 

On les fait entendre, ces protestations comme ces acclamations, pour mieux leur permettre d’advenir et de modifier notre univers. Performative, la parole ? Toujours un peu dans l’interaction et les oreilles de nos semblables. De là, à sauter le pas de l’infidélité, à mettre un coup de canif dans le contrat âprement négocié ? Alors confirmé ou renié, l’engagement ? Une gageure à long terme ? Non pas : conditionnelle, simplement, je le rappelle.

E-mail marketing

Croix de fer

Et ces conditions, ces petites lignes du contrat, quelles sont-elles ? Lorsqu’il est social, l’engagement montre bien la cause à défendre, toujours louable, jamais pendable. S’il est militaire, il trahit l’enrôlement volontaire et l’effort patriotique. Quant au sportif, il re-met en jeu sa balle, son titre et sa réputation. Et quand on s’engage à faire quelque chose, on jure, croix de bois, croix de fer, l’enfer en bandoulière, qu’on n’y coupera pas, qu’on ira jusqu’au bout. Ainsi, notre engagement avec la marque chérie passe par la défense de valeurs communes : ensemble, nous revendiquons, jusque dans nos assiettes et le tri de nos déchets,  nos actions en faveur d’une planète à reverdir et à sauver !

Taux en tête

La marque n’est pas dupe, bien sûr. Elle rêverait d’un engagement absolu, presque infini, qui  dépasse l’individu et embrasse toute la communauté par le ciment d’un ethos commun… Mais elle se sait mise en rude concurrence et soumise à une inexorable et sans doute inévitable lassitude. C’est pour cela qu’elle mesure à tous crins cet engagement : quantitatif, qualitatif, lucratif, moral… 

Est-ce à dire que tout doit être comptabilisé pour compter vraiment ? Autant nos engagements maritaux se mesurent à l’aune de nos actes, grands et petits, symboliques et quotidiens, autant nos engagements contractuels se doivent d’être évalués. Si les écrits restent, les paroles, elles, ne doivent plus s’envoler ! C’est là qu’intervient le taux d’engagement, celui qui calibre nos amours, à grand coup, pardon coût, de likes. Un nouveau type d’union en somme : celui des utilisateurs d’un réseau social ou d’un compte d’influenceur et d’une publication… qui ne sera pas celle des bans mais c’est tout comme !

Quand on aime, comment on compte ?

Véritable devise qui dévoile l’impact que génère un créateur de contenu, elle permet de mesurer la quantité d’interactions en fonction de son audience. Comme tout taux qui se respecte, il s’agit d’un rapport, le mariage est alors consommé…

%

Pour le connaître (la curiosité n’est pas toujours un vilain défaut, il convient de s’intéresser aux mathématiques), il vous suffit de diviser le nombre total d’interactions relatives à une publication, likes et commentaires inclus (meringue or not meringue pour la robe ?) par le nombre d’individus exposés à celle-ci. Bien évidemment, pour ajouter un peu de sérieux à l’affaire et pour pouvoir le manipuler aussi bien que les taux d’intérêt, on multipliera le résultat par 100 afin d’obtenir un pourcentage.

Signe des temps

Gage (encore lui) de crédibilité, s’il en est, les pourcentages se suivent sans forcément se ressembler et, signe des temps et de réchauffement climatique oblige, l’on cherchera ici la hausse plutôt que la baisse. 

La courbe des températures se devra de monter, comme celle de la fièvre acheteuse agitant nos joyeux consommateurs devant des propositions toujours plus alléchantes, en ventes privées ou en avant-première. Une histoire de fidélité, on le disait, d’un public séduit et charmé, sans cesse re-conquis et à la flamme entretenue ! L’inflation (encore un taux notez bien) nous guette, et c’est tant mieux pour une fois ! 

Et s’il nous reste un tant soit peu de résistance (ce n’est pas le moment de prendre froid), un frémissement de séduction à tester, on pourra aller jusqu’au taux de pénétration… Après tout, quitte à tirer la couverture à soi et au produit (le lit nuptial et ses secrets d’alcôve seront préservés, qu’on se rassure), il conviendra de savoir quelle proportion de consommateurs a cédé.

Céder donc et s’engager de nouveau, trop vite peut-être ; que diable, les retours sont gratuits après tout !  Mais surtout faire honneur à ses possessions tant convoitées et largement vantées sur tous les réseaux, voire remis sous notre nez à la moindre occasion : vous reprendrez bien un peu de cookie, non ? À période et marché donnés, l’engagement peine à perdurer… Les modes filent et défilent, elles ! Il convient de se renouveler.

La flamme

Alors comment entretenir la flamme ?  Comment inscrire cet engagement dans la durée malgré un quotidien fait de sollicitations toujours plus vertes ailleurs, c’est bien connu ? La recette du mariage réussi avec la marque se cacherait-elle justement dans tous ces petits mots envoyés par mail ou sms ? Un petit code promo par ici, une grande newsletter par là… Rester en contact à tout prix, la marque le sait, elle tient là un de ces painkillers. Car il en va des histoires de cœur comme des études de marché : trouver les bonnes médecines pour atteindre la cible.

Enfin, quand l’usure, pardon l’attrition, vient à gagner le client, la marque doit se résoudre à considérer cet abandon. Le vide du panier d’achat sonne la fin du contrat… jusqu’à la prochaine conversion ? Car si Sganarelle réclame ses gages, à corps et à cris, lors du dénouement de Dom Juan, c’est bien parce qu’il reste seul, sans interlocuteur, désengagé malgré lui !

écrit par
Carole Lailler
Docteur en sciences du langage après avoir été une latiniste passionnée, Carole a un goût prononcé pour la langue française et ses méandres. Tombée dans la marmite des traitements automatiques de la parole et plus généralement des outils d'Intelligence Artificielle, elle entretient un rapport privilégié avec les interactions Homme-Machine et les données. Briques techno, défis techniques et marketing, analyses linguistiques et écriture de contenu(s), son fil d’Ariane s'enrichit et s'en trouve consolidé.

engagement

subst. masc. \ɑ̃.ɡaʒ.mɑ̃\ action de se lier par une promesse ou une convention
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