Les gens ne lisent pas, ne lisent plus, surtout en ligne. Faut-il le regretter, en faire une source de frustration ? En conception de contenu web, en ingénierie éditoriale pour le digital, mieux vaut faire preuve et œuvre de pragmatisme : étudier et suivre de près les modèles de comportement de lecture pour savoir où placer les informations importantes et pertinentes, exactement là où se porte l’attention de plus en plus sélective des utilisateurs.
Contenu web et comportement de lecture, une question de pragmatisme
Avant d’entrer dans le détail des modèles oculométriques, gardons à l’esprit que l’utilisateur n’a que faire de nous lire. Ce qu’il veut, c’est résoudre son problème. Autrement dit, notre contenu, en tant que tel, n’est pas sa priorité. Notre objectif est donc parfaitement utilitariste, assumons-le, inféodé au dictat de l’économie de l’attention. Qu’à cela ne tienne. Tirons-en les bons enseignements, à la croisée de nos objectifs marketing et de l’expérience éditoriale.
4 modèles de comportement de lecture et leurs enseignements
La lecture balai
En matière de suivi du comportement de lecture visuelle sur le web, la référence, encore aujourd’hui, est le F-pattern ou structure en F, décrit pour pour la première fois en 2006 dans la fameuse étude menée par Nielsen Norman.
Que nous dit ce modèle ? D’abord, que l’utilisateur est rapide (F pour Fast) pour scanner du contenu sur écran. Ensuite, qu’il parcourt, balaye, les différents éléments d’information en suivant un mouvement proche du tracé de la lettre F. L’utilisateur commence par le coin supérieur gauche, balaye horizontalement, puis descend jusqu’à la ligne suivante et fait de même jusqu’à ce qu’il trouve quelque chose d’intéressant. En d’autres termes, il se concentre avant tout sur les premières lignes des textes, les premiers mots des phases. La majorité du texte, il l’ignore, tout simplement.
Quel enseignement tirer du comportement de lecture balai ? Retenons ceci : un texte web est un texte qu’on ne lit pas, mais qu’on scanne, qui doit donc être conçu comme un objet, le fameux texte-objet, incorporé et encorporé aux contraintes de l’écran. D’où l’importance d’adapter nos contenus en misant sur ces 3 piliers :
La lecture repère
Un autre comportement de lecture fréquent consiste à se concentrer uniquement sur des éléments saillants spécifiques qui sont répartis dans la mise en page, qui semblent a priori plus dignes d’attention que les autres.
Que nous dit ce modèle ? Que l’utilisateur cherche d’emblée des points de force dans le contenu. Qu’il ne va pas nécessairement commencer par le début, comme dans le F-Pattern, mais au contraire, aller tout de suite sur ce qui est le plus notable et révélateur. Ses attentes sont donc aussi plus précises, plus élevées.
Quel enseignement tirer de ce comportement de lecture repère ? Retenons ceci : un contenu web n’est pas un contenu monobloc, de pure architecture verticale, il se balise aussi en jalons, en signes, en points où fixer son attention. D’où l’importance d’adapter nos contenus en misant sur ces 3 piliers :
La lecture multicouche
La métaphore est assez parlante. Imaginez un gâteau à étages. Dans ce modèle, le comportement de lecture de l’utilisateur procède graduellement, couche après couche : le glaçage, la génoise, la crème, le chocolat, la base de biscuit. Bref, vous voyez l’idée.
Que nous dit ce modèle ? Que l’utilisateur y va plutôt prudemment avant d’aller dans le dur du contenu. Il veut avoir une vue d’ensemble de la page qu’il consulte et, pour chaque unité d’information, avoir un aperçu de ce qui est discuté dans les lignes suivantes. Comme pour le gâteau, si la première couche lui plait, alors il attaque la couche suivante, et commence à lire tout le paragraphe.
Quel enseignement tirer de ce comportement de lecture multicouche ? Retenons ceci : un contenu web, ça s’échelonne éditorialement, ça se défeuille, ça gagne en profondeur, en différentes strates, successives, de lecture et d’appropriation des messages. D’où l’importance d’adapter nos contenus en misant sur ces 3 piliers :
La lecture linéaire
Des utilisateurs motivés ou très intéressés, il en existe encore quelques uns. Qui vont lire lettre à lettre, mot à mot, phrase après phrases. Prêts à faire mentir tous les chiffres en berne des taux de rebond et temps par page.
Que nous dit ce modèle ? Que l’utilisateur peut encore consentir des efforts de lecture importants si le contenu est particulièrement intéressant, singulier, passionnant, remarquable. Qu’il peut donner de son temps si le jeu en vaut la chandelle, si la légitimé est forte, s’il perçoit une utilité directement actionnable.
Quel enseignement tirer de ce comportement de lecture linéaire ? Retenons ceci : la valeur lecture n’est pas morte et elle nous oblige à la plus haute exigence, et oui, les écrivains comptent toujours – plus que les mots, plus que les interfaces, plus que les robots. D’où l’importance d’adapter nos contenus en misant sur ces 3 piliers :
Ce qu'il fallait démontrer
Qu’à chaque comportement de lecture, correspondent et s’appliquent des dispositifs éditoriaux bien précis. Qu’on ne se lance pas dans la conception-rédaction de contenu web à l’aveugle, sans tenir compte des habitus numériques. Enfin, que le texte-objet digital n’a pas dit son dernier mot, malgré les raccourcis, les resserrements. Au contraire, qu’il a tout à gagner de ce travail d’orfèvre, qui consiste à ciseler et tailler dans le dur.
2 Commentaires
Lynda Audet
Autant d'enseignement dans un texte aussi concis. Bravo!
Baills
Très instructif. Merci :0)