Podcast

Expérience utilisateur : quand dire c’est faire

Un train peut en cacher un autre
Que peut l’UX Design en performativité de la marque ? Parlons conatif et grammaire des interfaces avec Olivier Sauvage.
speakers

Au micro de cet épisode

Olivier Sauvage

Olivier Sauvage

Expert ux, fondateur de l’agence UX Wexperience, qui accompagne les plus grands acteurs e-commerce en France.

Muriel Vandermeulen

Dans cet épisode, Muriel, fondatrice et directrice de Wearethewords, pose de facto la question qui fâche :  est-ce que dire c’est faire ?

Verba volant, Scripta manent

La retranscription de l'épisode

Bonjour et bienvenue sur ce podcast “Un train peut en cacher un autre”.

Aujourd’hui, nous allons parler d’e-commerce, d’expérience utilisateur, de design UX et de conativité. Nous sommes tous familiers avec l’expression “dire c’est faire”, qui fait référence à la théorie des actes de parole développée par J.L. Austin, un linguiste britannique. Austin soutenait que le langage est orienté vers l’action, que le langage est une forme d’action. On rêve tous de pouvoir dire quelque chose et le voir se réaliser instantanément, n’est-ce pas ? Comme quand on déclare “j’arrête de fumer” ou “c’est décidé, je quitte Twitter”. Mais je m’éloigne du sujet…

En stratégie de contenu, lorsque l’on parle d’action, on évoque la conativité. La conativité se rapporte à l’un des trois objectifs que le contenu Web vise à atteindre : le cognitif, l’affectif et le conatif. Le conatif incite les utilisateurs à agir. Il dirige la motivation de l’utilisateur vers une action spécifique. Les défenseurs de la conversion, qui sont nombreux dans le secteur de l’e-commerce, raffolent de la conativité.

Aujourd’hui, nous avons le plaisir d’accueillir Olivier Sauvage, expert en UX et fondateur de l’agence Wexperience, qui accompagne les plus grands acteurs de l’e-commerce en France. Il va nous éclairer sur cette question : dire, est-ce faire ?

Bonjour Olivier, et merci de partager ce moment.

Olivier : Bonjour Muriel, et merci de m’avoir invité.

Muriel : J’ai une petite question, Olivier. Depuis septembre de cette année, vous êtes également responsable pédagogique en UX à l’école Rubika. Aviez-vous besoin ou envie de passer du côté “formation” de la force ?

Olivier : Oui, tout à fait. C’était une envie qui me titillait depuis quelques années déjà, mais je n’avais ni le temps ni l’énergie pour m’y consacrer. Le hasard a fait que j’ai vu un poste vacant de responsable pédagogique en UX à l’école Rubika, précédemment occupé par Jeremy Cohen, un UX designer bien connu. Je me suis dit, pourquoi pas moi ? En parallèle, avec Wexperience, nous avons commencé à proposer des formations, car nous avons constaté une demande croissante sur le marché, notamment dans le domaine de l’UX. 

Les grandes entreprises avaient besoin de renforcer les compétences de leurs collaborateurs, et il y avait également un besoin croissant d’évangélisation de l’UX au sein des entreprises. L’opportunité de rejoindre Rubika était vraiment belle. C’est une école réputée, disposant de ressources pédagogiques importantes. De plus, j’apprécie de plus en plus l’idée d’aider et de guider de jeunes talents, de les préparer à entrer sur le marché du travail dans un environnement en constante évolution. Cela me rajeunit, et c’est extrêmement gratifiant d’accompagner ces jeunes talents.”

Muriel : D’accord, très bien. Effectivement, je pense qu’en tant qu’agence, nous sommes souvent les mieux placés pour guider, former et outiller les jeunes recrues, ainsi que les futures recrues, sur un marché qui a grandement besoin de talents. Maintenant, j’aimerais vous poser la question suivante : pensez-vous que ce sont principalement les réactions émotionnelles, c’est-à-dire le côté affectif, ainsi que les processus cognitifs qui déclenchent une action sur une interface web ? En d’autres termes, en UX design, travaillons-nous sur ces trois dimensions : le cognitif (l’apprentissage de nouvelles informations, des libellés, des concepts), l’affectif (les émotions et les sentiments ressentis en parcourant une interface) et l’interaction (la volonté de réaliser une action) ? Ces trois aspects sont-ils abordés de manière intégrée ou étape par étape lors de la conception d’une interface web en UX ?

Les fondamentaux de l’UX dans la conception d’une interface web

Olivier : Je dirais que cela est travaillé de manière intégrée. Lorsque l’on aborde l’UX (expérience utilisateur) et que l’on adopte une approche de conception centrée sur l’utilisateur, nous considérons la personne dans sa totalité. L’UX se concentre sur ce qui se passe dans l’esprit des individus lorsqu’ils sont face à un écran d’ordinateur ou de téléphone, ce qui relève de la psychologie. La psychologie est vraiment la base de tout cela. Notre travail consiste essentiellement à comprendre ce qui se passe dans le cerveau de l’utilisateur et à faire en sorte que l’expérience qu’il vivra soit la plus agréable possible, à plusieurs égards.

Cela comprend la facilité avec laquelle il peut accomplir des tâches. En d’autres termes, nous nous demandons si l’interface qu’il va utiliser sera facile à naviguer. Pourquoi est-ce important ? Parce que cela permet d’économiser l’énergie mentale de l’utilisateur. Il faut savoir que le cerveau, bien que relativement petit en termes de taille par rapport au corps humain, consomme une grande quantité d’énergie, environ 20 à 25 % de l’énergie quotidienne. Il cherche donc constamment à optimiser son fonctionnement et à économiser de l’énergie. L’une de nos premières préoccupations en matière d’expérience utilisateur est donc de simplifier les choses et de les rendre aussi simples que possible.

En plus de cela, nous nous intéressons aux réactions et aux émotions de l’utilisateur, car nous sommes des êtres émotionnels et réagissons en fonction de nos émotions. Les émotions sont essentiellement des réflexions, des processus intellectuels, des réactions à notre environnement. Pour illustrer cela, prenons un exemple simple dans le domaine de l’e-commerce : notre réaction émotionnelle face à une image. Il est important de comprendre que, lorsque nous essayons de séduire quelqu’un ou de vendre quelque chose, il est préférable de présenter une image qui embellit la réalité, une image qui peut être trompeuse. En d’autres termes, les images doivent sublimer les choses et susciter des émotions chez les utilisateurs pour les inciter à agir de manière continue, jusqu’à la conversion, c’est-à-dire jusqu’à l’achat. Parfois, cela signifie montrer des images plus belles et embellies plutôt que de présenter la réalité de manière brute, même si cela peut sembler contre-intuitif ou peu éthique.

Il est vrai que cela peut sembler contre-intuitif, mais c’est ainsi que les choses fonctionnent souvent. Il est préférable de présenter un hamburger entièrement confectionné par un photographe professionnel plutôt que de montrer le hamburger réel. Si vous prenez des photos du hamburger d’une marque bien connue, vous ne parviendrez jamais à les vendre. Donc, si vous souhaitez réussir à vendre, il est effectivement nécessaire de sublimer les choses, de susciter des émotions chez les utilisateurs pour les inciter à agir de manière continue, créant ainsi un flux continu. Cela peut même aller jusqu’à la conversion, c’est-à-dire jusqu’à l’acte d’achat, notamment dans le domaine de l’e-commerce.

Muriel : D’accord, très bien, c’est intéressant. Du coup, ce que vous êtes en train de dire, c’est qu’il n’y a pas que le faire, même si on est sur un média interactif, le média des médias interactifs, il y a aussi l’être, être comme on dit, être au monde, y a aussi être à l’interface, c’est-à-dire éprouver des sentiments, éprouver des émotions, éprouver des déclencheurs aussi. Et vous parlez très justement et de manière intéressante de tout l’aspect ou tout le rôle des visuels. J’ai l’impression même que depuis le Web 2.0, c’est être à l’interface. Le fait de vouloir exister sur l’interface est encore plus important puisque l’enjeu du Web 2.0, c’était quand même cette idée du web social où on partage la parole de la marque, où on coconstruit son discours et peut-être même son offre également. Est-ce que c’est un enjeu cette volonté, et puis cette habitude qu’on a donnée à l’utilisateur de pouvoir partager l’espace de l’interface ? Ça se manifeste comment en UX design, cette stratégie plus implicative, performative ?

L’UX ou l’art de répondre aux désirs de l’utilisateur, plus qu’à ses besoins

Olivier : ça se manifeste, encore une fois, par le fait de donner le plus de pouvoir possible aux utilisateurs et, aussi, être capable de répondre le plus finement possible à tous leurs besoins. Donc, cela signifie que lorsque l’on conçoit un produit numérique, nous, les UX designers, encore une fois, nous parlons de l’utilisateur et de ses besoins (les besoins fondamentaux, les besoins non exprimés). Parce que souvent, l’utilisateur lui-même ne sait pas exactement ce qu’il veut. Mais notre métier, c’est ça. C’est de comprendre comment les gens interagissent avec un programme, avec une machine, comment ils interagissent entre eux via des programmes et d’arriver à créer des solutions qui répondent parfaitement à leurs désirs, plus qu’à leurs besoins. 

Donc, qu’est-ce que cela veut dire concrètement ? Cela signifie que lorsque l’on va concevoir un produit numérique, que ce soit une application mobile, un site web, un site e-commerce ou un site de service, en général, nous savons déjà ce que nous voulons faire faire aux gens. En fait, nous leur offrons des services, mais ce que nous ne savons pas, c’est comment ils vont réagir par rapport à ce service, comment ils vont l’utiliser. Et nous sommes souvent très déroutés par leur comportement. Parce que même si tous les utilisateurs ont des comportements similaires à un certain niveau, ils vont tous aussi avoir des personnalités différentes. Et quand on parle de millions d’utilisateurs, on parle de millions de personnalités, elles ne sont pas toutes classifiables. Ou on ne pourra pas toutes les ranger dans une seule case. 

Donc le métier du designer UX, c’est d’arriver justement à comprendre tous ces comportements, à essayer de les intégrer au sein d’une seule et même interface pour pouvoir répondre à toute cette complexité. Ce qui est intéressant, c’est que pendant très longtemps, et encore aujourd’hui, on a beaucoup créé des interfaces avec des boutons, des champs de formulaire, du texte. En rangeant tout cela sur des espaces que l’on appelle des pages web ou des écrans. Ce qui ressemble pour beaucoup en fait à des formulaires papier ou des pages de journaux. Donc, quelque chose qui reproduisait encore pas mal la réalité. Quand je dis la réalité, je fais allusion à celle d’aujourd’hui et celle d’avant. 

Et ce que je voulais ajouter, qui me semble de plus en plus important aujourd’hui, c’est l’immixtion des IA génératives depuis un an. Bon, je pense que cela n’a échappé à personne. Nous sommes dans un monde aujourd’hui conversationnel avec l’arrivée fracassante de ChatGPT et petit à petit, il est très probable que nos interactions se transforment jusqu’à devenir de vraies conversations. Alors, je sais qu’on en parle déjà depuis pas mal de temps, mais il y a eu un côté un peu, j’allais dire, du vent autour des agents conversationnels, etc. On imaginait qu’on aurait des vrais dialogues avec les machines. Or, cela n’a jamais été vraiment le cas jusqu’à maintenant. Mais les IA génératives sont en train de nous offrir vraiment la possibilité d’interagir avec elles. Est-ce qu’on aura encore des sites web dans quelques années ? Je ne sais pas. Ou des applications, je ne sais pas, mais ce qui est sûr, c’est qu’on continuera à interagir avec des programmes, avec des machines et sans doute qu’on interagira avec elles de plus en plus sous forme de conversations. 

Aujourd’hui, c’est devenu possible, vraiment possible. Tous ceux qui ont essayé ChatGPT s’en rendent bien compte. En fait, on peut vraiment dialoguer avec une machine. Elle nous répond comme si elle était un être humain et on arrive à faire des choses beaucoup plus puissantes que ce qu’on arrive à faire aujourd’hui avec une interface classique, entre guillemets, d’ordinateur. Et ça, c’est extrêmement intéressant et c’est vraiment en train de changer à la fois notre métier d’UX designer et la façon dont on va acheter, par exemple, des choses sur Internet. 

J’imagine très bien que l’on n’arrivera plus sur Amazon comme aujourd’hui peut-être en tapant “Amazon.fr” dans la barre de son navigateur, en regardant les catégories, en tapant une requête dans le moteur de recherche. On va simplement peut-être dire à son assistant, à son ordinateur, “Je voudrais en savoir un peu plus sur les dernières nouveautés en matière de chemises sur Amazon”, et là, il va peut-être me présenter différentes offres. Et là, je vais dire, “Ah oui, cette chemise elle me plaît, mais est-ce que tu pourrais me montrer la même en rouge?” “Ah, elle n’existe pas ?” “Ah, écoute, ce n’est pas grave, en bleu, est-ce qu’il y en a ?” “Oui, il y en a un en bleu.” Amazon va me les montrer et je vais lui demander, “Est-ce qu’il en existe en taille M ou L ? Parce que c’est ma taille.” “Oui, tout à fait. Il y en a, mais s’il n’y en a pas, je peux vous proposer autre chose.” 

On va se retrouver plutôt dans un dialogue comme ça que dans une suite de clics, de mouvements de souris ou de tapes de doigts sur une interface. Donc, il y a quelque chose de très nouveau qui est en train de se passer, même si on a un peu de mal à percevoir ce que ça va devenir. Mais c’est passionnant.

Muriel : Olivier, si je comprends bien, l’évolution que vous esquissez ici sera encore davantage centrée sur le langage, la parole, et l’expression verbale, plutôt que sur des actions mécaniques telles que le clic et le défilement, comme vous l’avez mentionné. De plus, vous avez également abordé la psychologie de l’utilisateur, si je ne me trompe pas. Vous parlez du poids du cerveau et des ressources qu’il consomme. Ce cerveau humain conserve encore une nature relativement primitive et semble fonctionner, selon les spécialistes, sur un système de récompense. Comment envisagez-vous d’associer cette primauté de la parole, de la conversation, de la voix orale, en fin de compte, du discours oral, avec ce besoin de gratification et d’action motivée par la récompense ?

La perspective d’interactions plus diversifiées et plus gratifiantes avec l’IA

Olivier : Pour ma part, je ne pense pas nécessairement que ces éléments soient intrinsèquement liés. Effectivement, nous avons besoin de stimulation et de gratification, ce qui fait partie intégrante du domaine du design UX. En fait, cela ne serait pas très différent de ce que nous faisons déjà aujourd’hui. Cela pourrait même être plus gratifiant que ce que nous connaissons actuellement. Actuellement, lorsque nous interagissons avec des produits numériques ou des interfaces, cela se résume principalement à des clics, des mouvements de souris, des tapotements sur un écran, etc. L’utilisation du son est assez limitée, et l’interaction avec la machine est généralement très visuelle.

Cependant, avec les agents conversationnels, cela pourrait être bien plus diversifié et riche. Nous pourrions envelopper les réponses de la machine dans un langage naturel qui nous est propre en tant qu’êtres humains, une conversation authentique que les ordinateurs n’avaient jusqu’à présent pas réussi à reproduire. Nous pourrions ainsi susciter des émotions beaucoup plus variées et nuancées. Envisageons un avenir où, lors de la recherche d’informations sur un site de commerce électronique, la machine demanderait : “Est-ce que cela vous plaît ? Êtes-vous satisfait ?” et ajouterait même une petite touche d’humour. Une telle interaction serait certainement plus agréable.

Par conséquent, nous nous dirigeons de plus en plus vers un système où la machine elle-même cherchera à susciter des émotions. Bien sûr, nous le faisons déjà à travers le contenu, mais elle pourra le faire en nous imitant, non pas parce qu’elle possède une intelligence propre, ce qui est une erreur courante, mais en agissant comme un perroquet, créant l’illusion qu’elle aussi peut ressentir des émotions et établir une connexion empathique avec nous. Tout cela sera fascinant à explorer. Cette transformation est déjà en cours lorsque nous dialoguons avec des chatbots comme GPT. Nous ressentons déjà des émotions et sommes impressionnés par la manière dont cette intelligence artificielle répond. Il semble vraiment que nous communiquions avec une personne réelle, même si ce n’est pas du tout le cas, mais cela peut être l’illusion créée.

Muriel : Oui, et dans nos interactions avec les chatbots comme GPT, nous avons tendance à adopter un langage conversationnel et dialogique. Nous remercions pour la réponse, nous creusons davantage en demandant : “Tu t’es trompé, ce n’est pas ça que je te demande” ou exprimons notre désaccord. Nous nous engageons ainsi dans des conversations authentiques.

Lorsque je mentionnais la question de la récompense, est-ce que le degré de récompense de base ne serait pas déjà d’adopter cette posture plus dialogique, conversationnelle, et par conséquent moins frustrante ? Parce que nous étions habitués à une interaction très impersonnelle et froide, plutôt passive. Est-ce que cela ne constitue pas déjà une première forme de récompense ?

Olivier : Oui, sans aucun doute. Le fait d’avoir une relation beaucoup plus égalitaire, de pouvoir dialoguer avec une machine comme si elle était une personne réelle, c’est une manière d’engager le cerveau, comme le mentionne le livre de Nir Eyal “Accrocher le cerveau” (Hooked). Cela s’inscrit dans les mécanismes de récompense. Le fait de pouvoir vraiment dialoguer, de maintenir une conversation quasi-continue, semblable à une conversation humaine, constitue en soi une forme de récompense.

Muriel : Pensez-vous, Olivier, qu’il existe des bonnes pratiques en matière de grammaire éditoriale ? Existe-t-il une structure grammaticale particulière qui favorise l’action, l’engagement et, par conséquent, l’accomplissement de certaines tâches ? Ne perdons pas de vue que l’objectif ultime est la conversion, et que cette conversion est liée à une forme de performance et d’implication. Existe-t-il des mots ou une grammaire spécifique pour inciter les utilisateurs à agir sur une interface ?

Personnaliser le texte pour influencer le comportement des utilisateurs

Olivier : Particulière ? Non, car, encore une fois, les individus sont nombreux, complexes et différents. Il est donc difficile d’imaginer des techniques universelles. Cependant, il existe des principes fondamentaux universels qui favorisent l’interaction.

Bien sûr, nous pouvons travailler sur les mots, notamment pour encourager l’action. Dans notre agence, lorsque nous travaillons avec des clients sur la rédaction (le wording), nous cherchons à personnaliser le texte afin d’influencer le comportement des utilisateurs. Bien que cette pratique ne soit pas nouvelle, elle n’est pas très répandue, en particulier dans le domaine du commerce électronique. Les interactions demeurent souvent froides, malgré quelques exemples contradictoires comme Back Market, qui adopte un ton technique et un peu moins humoristique.

Cependant, je pense que pour créer un lien avec l’utilisateur, il est essentiel de trouver un ton spécifique qui corresponde à la personnalité de l’application ou du site web. Nous pouvons attribuer une personnalité à un site web en créant des personas et en leur donnant une identité verbale propre. Personnellement, j’apprécie énormément cette approche et je la trouve extrêmement importante. J’aime expérimenter différentes approches, et je constate à quel point cela peut influencer les comportements.

Récemment, j’ai créé un quiz sur l’UX, qui était en réalité un outil de marketing. Il s’agissait d’un questionnaire comportant 25 questions destinées à évaluer les connaissances des utilisateurs en matière d’UX. Le ton, l’humour et la manière d’aborder les questions ont été travaillés avec légèreté, sans prétention. Les gens ont beaucoup apprécié l’expérience, même si le sujet ne les passionnait pas nécessairement. Le fait d’avoir adopté un ton et une personnalité spécifiques pour ce quiz les a captivés. Malgré le fait qu’ils devaient répondre à 25 questions, ce qui prend du temps dans notre monde hyperactif où l’attention est limitée, ils ont participé avec enthousiasme.

Cela a renforcé ma conviction que le choix d’un ton spécifique dans l’écriture est essentiel. Si nous parvenons à trouver ce ton qui correspond à une marque ou à une personnalité de marque, nous pouvons améliorer les interactions et inciter les utilisateurs à accomplir davantage que ce qu’ils envisageaient. Je ne parle pas de l’utilisation de Dark Patterns, bien sûr, mais plutôt de l’importance de créer de meilleures performances sur un site à vocation commerciale en travaillant sérieusement la tonalité de la communication. En France, je ne pense pas que cette pratique soit suffisamment exploitée.

Muriel : C’est de plus en plus exploité et discuté, comme vous l’avez mentionné avec Back Market. On voit également ces fameuses marques numériques verticales telles que D&BB, Asphalte, Le Slip Français, et autres. Michel et Augustin ont également compris que le succès sur une interface web ne repose plus uniquement sur l’ergonomie éditoriale, la simplicité et la clarté du message, mais aussi, comme vous l’avez souligné, sur la personnalité qui crée une connexion avec l’utilisateur. Je pense qu’il y a toujours cet aspect de signature éditoriale, qui englobe la personnalité et la voix de la marque. Cependant, il existe également des aspects plus fonctionnels et opportunistes. La clarté rédactionnelle, la concision, la netteté et le respect des conventions sont toujours essentiels. Je suppose que certaines conventions, en ce qui concerne les libellés des boutons par exemple, sont devenues presque standard dans la communication sur une interface.

Adopter les conventions tout en apportant quelque chose en plus

Olivier : Absolument. On peut dire qu’il existe une sorte de grammaire universelle dans la conception d’interfaces, et il est essentiel de la respecter. Cela se manifeste clairement dans le domaine du commerce électronique, où l’apparence des sites est presque identique d’un site à l’autre sur le web. Aujourd’hui, si vous prenez des sites de marques de mode, leurs interfaces sont remarquablement similaires, se distinguant principalement par le logo et les photos des produits. La navigation et le tunnel de commande sont souvent identiques. Cela peut sembler ennuyeux, mais en réalité, c’est mieux ainsi. Cette uniformité permet à chaque consommateur d’entrer dans un environnement familier, de s’engager plus facilement et d’éviter la confusion qui résulterait de designs trop différents. Il est bien connu que changer les habitudes des gens, surtout dans ce domaine, est risqué. Il existe certainement des conventions qui doivent être respectées aujourd’hui. 

Ensuite, je pense qu’un bon designer est capable d’adopter ces conventions tout en apportant quelque chose de plus, comme l’expression des émotions dans le langage ou l’optimisation de l’expérience utilisateur lors du processus d’intégration, comme on le voit chez Back Market. Il peut également contribuer à renforcer l’identité de la marque en créant une personnalité plus forte et plus distinctive. La véritable valeur du design réside dans sa capacité à surprendre et à innover. Parfois, cela peut signifier remettre en question des services ou des modèles d’interaction existants pour les simplifier encore davantage, voire créer de nouvelles idées, même si elles ne peuvent pas toujours être anticipées. 

Je rappelle toujours l’histoire de Twitter au départ, qui était simplement un outil de communication pour envoyer des messages de groupe via SMS. Il est devenu un forum mondial d’information en temps réel sur les événements mondiaux. Je doute que cela faisait partie des plans initiaux des fondateurs de Twitter. Au fur et à mesure du temps, ils ont adapté leur produit en fonction de ce que les utilisateurs en faisaient, créant ainsi Twitter tel que nous le connaissons aujourd’hui, un acteur puissant et influent dans le monde des réseaux sociaux. 

Cela démontre que la création d’un bon produit ne se limite pas à l’application de règles ergonomiques, d’une grammaire web ou d’une personnalité de marque. Cela implique également d’écouter les utilisateurs et d’ajuster le produit pour mieux les servir. Malheureusement, cette notion est souvent mal comprise par ceux qui ne sont pas familiarisés avec le domaine de l’UX, qui pensent à tort qu’il s’agit simplement de design graphique ou d’interface. En réalité, c’est un métier puissant qui vise à créer des services innovants et à améliorer la vie des gens, à différentes échelles en fonction des ambitions du produit. C’est ainsi que nous devons le concevoir.

Muriel : En effet, c’est l’un des métiers qui contribuent à la performance de la marque grâce aux échanges et aux données avec les utilisateurs. Vous avez mentionné précédemment que, peut-être, dans un avenir plus ou moins proche, nous utiliserons notre téléphone ou notre assistant pour demander à Amazon s’il y a de nouvelles chemises, de nouvelles couleurs. Pensez-vous que le contenu textuel va progressivement disparaître des interfaces, laissant place à une interaction vocale, audio, plutôt qu’au clic, au texte, au contenu pur, et donc au contenu de l’UX ? Car aujourd’hui, les métiers de l’UX Copy ont encore un rôle important dans le succès d’une interface.

Un futur où on va “dicter” plutôt que “saisir” du texte

Olivier : Oui, tout à fait. Je pense que c’est effectivement le cas. Nous nous éloignons déjà en grande partie du texte, comme en témoigne la transition des réseaux sociaux du texte vers la vidéo. Cela est particulièrement évident avec TikTok, où le texte est de moins en moins présent, laissant place à des onomatopées, des phrases courtes et des exclamations dans les vidéos. Je pense que dans le futur, et je parle d’un avenir proche, peut-être dans deux ou trois ans, nous interagirons de plus en plus par la voix. Cela n’est pas encore certain, car cela dépend des usages. Les gens seront-ils prêts à parler à leur machine en public ? Nous voyons déjà que les jeunes le font de plus en plus, s’envoyant des messages vocaux même en présence d’autres personnes. 

Nous devrons également surveiller de près l’évolution des casques de réalité augmentée virtuelle, comme Apple Vision, car ils favorisent les interactions vocales par rapport au clavier et à la souris. Les téléphones, en revanche, sont encore loin d’offrir des interactions vocales efficaces, comme le montre le cas de Siri sur iPhone, qui a été rapidement dépassé par les modèles de ChatGPT. Si Siri parvient à atteindre le niveau de performance de ChatGPT à l’avenir, nous utiliserons probablement davantage la parole. Écrire quelques mots est une chose, mais rédiger des phrases complètes peut être fastidieux pour certaines personnes, en particulier compte tenu de la complexité de l’orthographe française. Il est donc envisageable que les interactions vocales gagnent en importance, mais la vitesse de cette transition reste incertaine, car les usages évoluent lentement. Par exemple, les cartes de paiement sans contact ont mis du temps à être acceptées par les utilisateurs, malgré les avancées technologiques. Il y a toujours des barrières sociales à franchir. 

Pour ma part, je serais ravi de pouvoir interagir avec un assistant personnel comme HAL, capable de comprendre le langage humain et d’exécuter des tâches complexes, comme le fait ChatGPT aujourd’hui. Nous pourrions dicter des textes plutôt que de les taper, demander à notre ordinateur de gérer nos emails, etc. Dans quelques années, je pense que cela sera devenu une réalité, et nous écrirons moins. Cependant, cela soulève des questions sociales sur la manière dont cela pourrait changer nos comportements et nos interactions.

Muriel : Oui, c’est un retour aux sources, car nous étions autrefois des sociétés basées sur l’oralité avant l’ère de Gutenberg et des révolutions de l’écrit. Pourrait-on dire que nous reviendrons à ces racines et que l’adage “les paroles s’envolent et les écrits restent” deviendra obsolète ?

Olivier : Je pense que les paroles s’envoleront, mais elles seront enregistrées dans le cloud, que nous le voulions ou non, et pourront être utilisées contre nous. Plus sérieusement, oui, il serait peut-être préférable de ne plus avoir autant de cahiers, de stylos, etc., et de privilégier la communication vocale avec nos machines. Lorsqu’il sera nécessaire d’enregistrer des informations, nous pourrons le faire, les corriger et les mettre en forme si besoin. Cela n’empêchera pas la lecture, qui restera un moyen d’apprentissage et d’enrichissement personnel pendant de nombreuses années. Cependant, il est probable que nous écrirons moins à l’avenir.

Muriel : Très bien, je pense que nous pouvons conclure sur cette idée que nous écrirons moins dans les années à venir. Je vous remercie, Olivier, pour cet échange enrichissant. Je vous souhaite beaucoup de belles aventures et d’explorations dans les mois et les années à venir. À bientôt, Olivier.

Olivier : Merci.

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